Savane Roche Virginie

La pluie au camp Bonaventure est tombée toute la nuit, et il en sera de même toute cette journée pour notre randonnée au site Savane Roche Virginie. Ce sera la seule journée de notre périple pendant laquelle elle sera tombée sans discontinuité, entêtée comme une mule, inlassable comme le déluge, il en fallait bien une. En soit, la pluie en Guyane n’est pas vraiment gênante car elle rafraichit. Elle amène avec elle une ambiance particulière, ajoutant au mystère de la forêt. Elle répand comme une délivrance après la chaleur torride, un peu comme nos orages en été. Souvent tu la vois arriver de loin, annoncée par d’énormes nuages sombres et les trainées de pluie qui les accompagnent. Les orages sont parfois violents, fracassants, ahurissants de soudaineté et de puissance. C’est un spectacle hypnotique, que tu apprécies d’autant plus que tu en es abrité… Puis l’orage passe aussi vite qu’il est venu, en quelques secondes parfois. Il arrive aussi que les averses tombent sous forme de crachin, comme à Petit Saut. Là, tu peux profiter de cette douce caresse, tu ne sens même pas qu’il pleut. D’autres fois par contre, comme ce sera le cas aujourd’hui, tu sais par habitude que le ciel aura du mal à se dégager. Aucun échappatoire, l’horizon est chargé et le restera toute la journée. Pour ceux qui vivent à Yana en permanence, cela peut-être « prise de tête », un peu comme quand en Provence le Mistral souffle pendant des jours…et des jours !

Nous continuons donc la RN2, entre Régina et Saint-Georges de l’Oyapock sur la rive droite de l’Approuague, proche du Brésil. Un petit barrage routier de sympathiques gendarmes nous le confirme. Petit car presque ridicule. La route bien que large, trace un sillon dans la forêt. Si tu veux rentrer ou sortir clandestinement de Guyane, tu n’as qu’à éviter la route ! La gendarmette qui nous contrôle a dû arriver il y a peu en Guyane, elle a le sourire de Cerbère, le chien des enfers !

La C3 garée, nous entamons le sentier. Nous serons dans un premier temps immergés en forêt tropicale avec ses arbres remarquables, ses plantes épiphytes et sa végétation de sous-bois. Nous traversons la forêt primaire, des criques, des bas-fonds humides et des zones de blocs rocheux. Humide est une légère allégorie aujourd’hui. Le sentier, au fur et à mesure de notre progression, se transforme ni plus ni moins en ruisseau. Une fois de plus, nous tentons dans les premiers mètres de garder nos pieds au sec. Une fois de plus, peine perdue. Non seulement ils sont vite trempés, mais tout le reste du corps le sera également, même avec le k-way, dans lequel nous transpirons comme des bourriquots au labeur, le sentier prenant maintenant une forme ascendante.

Peu avant le sommet, nous découvrons d’énormes blocs rocheux, essaimés mystérieusement en plein milieu de la forêt, annonciateurs de l’inselberg qui se dévoilera au sommet, à 138 mètres d’altitude. Le mot Inselberg est composé de deux termes signifiant île (Insel en allemand) et montagne (Berg). C’est bien à des îles émergeant de la forêt que font penser ces petites montagnes de granit. On compte environ 200 Inselbergs en Guyane, avec une plus forte concentration dans le Sud. Lorsque l’on se trouve au sommet de l’une d’entre elles, on bénéficie d’un panorama fantastique sur la forêt qui s’étend tout autour. Nous arrivons au sommet après 1h30 de nage (!).

Le dernier rideau de forêt dépassé, nous arrivons sur une sorte de plateau bosselé. La roche granitique y est à nu, parsemée ici et là par de la végétation basse, d’arbustes adaptés à des conditions extrêmes. La couleur de la roche s’étirant du gris foncé au violet, la température atteint 50°C, et jusqu’à 75°C en saison sèche. La roche est lisse et extrêmement glissante, non seulement à cause de la pluie, mais également à cause d’une algue microscopique. Capable de coloniser la roche des volcans ou le sable des déserts, elle prépare le terrain en creusant la roche pour que les plantes plus grosses puissent s’y développer. C’est la raison pour laquelle la roche apparaît cribler de petits trous. C’est magnifique ! L’ensemble évoque des collines miniatures entre lesquelles couleraient de petites rivières, bordées par la forêt…

Mais le spectacle ne s’arrête pas là. De cette bute rocheuse, nous surplombons un océan de verdure qui s’étend jusqu’à l’infini. Pas tout à fait l’infini aujourd’hui, car la brume qui s’élève au dessus des arbres finit par l’obscurcir en dégradé, au fur et à mesure que notre regard s’éloigne. Encore une fois c’est une vision fantasmagorique qui s’offre à nous. La nature qui vit, respire comme une seule entité, un tout, compact et indivisible.

La pluie finissant par nous agacer (nos fesses ressemblant elles aussi à des petites collines traversées par des petites rivières, et nos sandwichs humides ne ressemblant plus à…rien), nous ne restons qu’une demi-heure et entamons la descente, nous languissant de pouvoir nous changer dans la voiture et de nous retrouver un peu au sec. En tout cas, même trempés comme des soupes, nous avons bien conscience d’avoir eu le privilège d’admirer ce que la nature a de plus beau à offrir, en ce beau pays qu’est la Guyane ! Nous finirons en beauté ces deux jours unbelievable à Cayenne, au restaurant la Petite Maison (cassolette de la mer, magret de canard, souris d’agneau, loubine-poisson-sauce maracuja), histoire de nous venger de nos sandwichs à la trempouille !

C’est parti !

La jolie petite crique

Le sentier ruisseau !

Un bloc venu d’ailleurs…

Attention à la flaque frérot !

Au sommet le l’Inselberg

Deux géants au dessus des collines, rivières et forêts miniatures…

La belle roche granitique

Au dessus de la brume !

Merci ma chérie !

Il pleut mais c’est beau !

Très beau !

Je crois que j’ai mouillé mes chaussettes !

Bon, la civilisation ça a quand même du bon aussi !

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