Plateformes et tyroliennes
La nuit quand tu dors en forêt, tu ne sais pas vraiment si tu es éveillé ou si tu rêves. L’environnement est tellement extraordinaire que tout se mélange. Si tu ne dors pas, tu te laisses bercer par la musique du vent dans les arbres, ou par la pluie qui tombe sur le toit du carbet. Tes sens à l’affût, tu sursautes au moindre mouvement suspect de la forêt. Ton imagination s’enflamme, un jaguar, un caïman…En hamac, soit tu passes une bonne nuit, soit…non. Généralement, à partir de quatre heures de sommeil, c’est pas trop mal ! Notre troupe semble fraîche en tout cas ce matin. Si tu souris au pied du hamac, malgré ton visage bouffi de sommeil, c’est que la nuit a été bonne d’une façon ou d’une autre…
Pour le petit déjeuner, nous n’hésitons pas : c’est salé ET sucré. Nous prenons des forces facilement et copieusement sans trop savoir ce qui nous attend ce matin, alors que le ciel bleu nous tend les bras. Plateformes et tyroliennes, c’est quoi, une sorte d’accro-branches ? Silverado nous donne rendez-vous tout en haut du carbet, après notre coin couchage, pour nous équiper : harnais, mousquetons… De là, nous grimpons à une échelle à la cime du carbet, et nous dirigeons vers la première tyrolienne qui nous fera descendre au sol, 15 mètres plus bas, une sorte d’échauffement quoi !
Puis, nous marchons quelques minutes dans la forêt pour rejoindre une plateforme (en bois aussi !) sur laquelle il nous faudra grimper, non pas par un escalier mais à l’aide d’une corde, d’un étrier et d’une poignée frein. Celle-ci culmine à 36 mètres et comprend 2 étages. Une fois le premier atteint, tu peux rejoindre le suivant par un escalier, ce que nous envisageons de faire (du moins Démian, Juliane et moi). Mais c’est sans compter avec mon intrépide fille qui, après s’être présentée au pied de la tour, entame l’ascension la première. Un pied dans l’étrier et une main sur la poignée frein, qu’il faut monter en même temps que tu montes le pied. Le frein se bloque alors sur la corde à chaque fois que tu gagnes en hauteur, soit à peu près 50 à 80 centimètres par mouvement…L’effort est assez violent, surtout quand tu n’as pas l’habitude de pratiquer cette technique, qui demande une bonne coordination entre le mouvement de la jambe qu’il faut plier puis allonger, alors que le bras se tend. C’est un peu comme monter à l’échelle sur un seul pied !
Chrys a vite pris le coup et se retrouve en quelques minutes à la hauteur du premier étage. Mais alors que nous l’observons d’en bas et que nous nous attendons à la voir s’arrêter au premier palier, voilà ti pas qu’elle continue à grimper ! Elle ira jusqu’au deuxième étage et nous, pauvres mâles touchés dans notre orgueil, serons obligés de faire de même, non sans avoir transpiré notre mère et tous les saints du paradis avec !
36 mètres, au beau milieu de ces arbres géants dont certains nous dépassent encore…Petite précision, nous restons attachés en permanence par un système de double mousquetons, qui nous permet d’avancer d’un point d’accroche à un autre. Lorsque nous défaisons un mousqueton pour avancer, l’autre est toujours accroché et ainsi de suite. Si ce n’est la hauteur, tu te sens dans une relative sécurité, enfin…presque. Silverado nous explique qu’un jour, alors qu’il était à cette même place avec des touristes, une tempête de pluie et de vent s’est abattue sur la forêt, subitement sans crier gare. La violence a été telle qu’ils n’ont pas pu rebrousser chemin. Ils sont restés plantés là, en haut de la plateforme, à voir les éléments se déchainer, à tel point que plusieurs arbres se sont écroulés juste à côté de la plateforme…Bon, le ciel est bleu pour le moment, on reste cool !
Réunis en haut de la plateforme, nous empruntons le pont suspendu relié à la deuxième tour. Nous prenons notre temps pour le traverser. La sensation est toute nouvelle et bien différente de celle que tu ressens quand tu es au pied des arbres. En bas, tu es impressionné par leur hauteur gigantesque, leur masse, leur façon apparemment confuse de se mélanger, de se tordre, la forme parfois irréelle des troncs biscornus, tourmentés, torturés par la bataille incessante à laquelle ils se livrent pour gagner leur place au soleil et étaler enfin leurs ramures aux cieux étendus.
Tu te sens petite chose insignifiante devant cet étalage étourdissant, cette profusion infinie de végétaux, d’arbres démesurés, de vert hypnotisant, envoûtant jusqu’à saturation. Tu peux même parfois éprouver une certaine appréhension, comme une pression, lorsque tu peux à peine deviner le bleu du ciel au dessus de ce plafond sombre. Tu as envie de respirer, de t’extirper de ces bois où la chaleur moite t’oppresse, et de courir à l’air libre pour que tes yeux puissent voir loin, et ton esprit avec…
Mais cela reste une impression fugace, presque inconsciente, tant la beauté des lieux te saute au visage et au cœur. Même si ce n’est pas ta place, car tu n’y resterais pas indéfiniment (seuls ceux qui sont nés dans ces forêts peuvent y vivre et s’y sentir heureux), tu te rends compte que tu fais partie de ce tout, comme ses fourmis processionnaires, qui charrient en file indienne les morceaux de feuilles dont elles se nourriront dans leur nid, comme ces belles et impressionnantes araignées Theraphosa, ces singes, ses jaguars invisibles et tous les êtres vivants de la terre. Tu es petit comme une fourmi, mais comme elle tu fais partie de la procession et tu as un rôle à tenir, ou plutôt à jouer. Reste à savoir lequel. Mais à la différence des fourmis, nous avons la capacité d’être heureux et de rendre heureux. Faut-il encore savoir bien le jouer ce rôle et le mener à bien, s’efforcer de le mener à bien…
En tout cas, pour nous perchés, point de question existentielle ! Le pont n’est pas le seul à être suspendu, notre souffle l’est tout autant. Nous planons au dessus d’un océan vert qui s’étend jusqu’à l’infini et sur 360 degrés ! Au dessus, le ciel bleu, dégagé. Pas d’arbre ni de nuage pour l’obscurcir ! La plateforme que nous rejoignons est bâtie tout autour d’un arbre géant, le plancher fixé à l’énorme tronc par des poutres en oblique. L’espace, suffisamment grand pour tous nous accueillir, forme une terrasse circulaire sécurisée par un garde corps. Nous y resterons une bonne heure, observant ou plutôt admirant ce paysage hallucinant ! Sur la droite (mais par rapport à quoi ?), nous surplombons la forêt proche. Puis, le regard s’éloignant, il rejoint une colline encore plus haute que notre perchoir, comme si la forêt faisait une énorme vague. Nous cherchons du regard et aux jumelles, des oiseaux et des singes, qui se feront discrets, tant pis. Le décor suffit à lui seul ! Sur la gauche (par rapport à la droite…), tout au loin, la forêt s’étend jusqu’à la rivière Kourou dont nous contemplons un lacet, tellement minuscule vu de notre position. De ce petit bout de rivière brun qui tranche avec le vert, nous verrons passer une pirogue, insignifiante à côté de l’immensité de la forêt. La vraie place de l’homme en fait…
Puis, comme à Naples, un cri se fait entendre au pied de la tour. Le jeune aide du camp vient d’amener l’apéritif. Et, comme à Naples, le panier est accroché et monté à l’aide d’une corde jusqu’à nous ! Acras à l’igname, reconnaissable à leur couleur violette, jus de fruits frais (pas de rhum, ce n’est ni le moment ni le lieu…). Magnifico, bellissima, incredibile, grazie mille, Santa Madre de Dio !
Oui mais voilà, nous ne sommes pas tout à fait en haut…De notre terrasse s’élève une échelle à 42 mètres au dessus du sol, fixée contre le tronc. Je mis colle, je m’accroche. Le regard vissé sur chaque marche, je monte. De la petite plateforme, je domine, je plane, je rêve, je suis submergé par une émotion tellement intense…J’ai dû pleurer. Mes larmes au goût étrange, mélange de joie et de nostalgie, présence des miens, absence aussi…
Après ces quelques instants hors du temps, nous retournons vers la première plateforme pour redescendre sur le plancher des vaches, façon de parler. Accrochés, nous descendons en rappel, non sans quelques sueurs froides pour Juliane, qui n’apprécie pas trop (pas du tout en fait !), d’être suspendu dans le vide à une corde de deux centimètres. Pourtant, la montée ne lui avait posée aucun problème. Là, il serre les dents. Pour essayer de le rassurer, Silverado place Chrys sur l’autre corde, juste à côté, afin qu’ils entament la descente ensemble, leurs jambes entrecroisées. La corde faisant une sorte de huit dans le descendeur, il suffit de la lever au dessus de ce dernier, pour la débloquer et descendre. Pour freiner et s’arrêter, il faut la baisser, tout simplement. Cela dit, l’opération en couple ne rassure pas non plus Juju, qui semble hypnotisé par le plancher de la plateforme qu’ils viennent de quitter. « Maison ! ». De plus, la situation amuse beaucoup Chrys, dont le sourire en coin déclenche un petit juron à son encontre, d’autant qu’elle lève la corde plus longtemps que Ju, afin de descendre plus vite ! Démian et moi, toujours sur la plateforme, nous retenons d’éclater de rire, du moins tant que les deux zigotos sont pendus dans le vide ! Chacun ses petites peurs : pour certains c’est les guêpes ou les Thérophosas !
Nous marchons ensuite quelques minutes dans la forêt, pour rejoindre une autre plateforme, pas bien haute, 5 ou 6 mètres. Par contre, elle est située sur le flanc d’une colline d’où nous allons prendre une tyrolienne qui va nous ramener jusqu’au carbet. Quelle sensation de se balancer dans le vide et de filer à toute allure au beau milieu de la forêt, au milieu des géants et des lianes ! Comme Tarzan quoi ! « Oungawa Timba, oungawa ! »
Retour au camp, apéro (avec rhum ce coup-ci), repas à la sauce Rosalie et tentative de pêche depuis la belle pirogue en bois. En milieu d’après-midi, Silverado nous ramène au débarcadère, fouettés par une belle averse, laissant derrière nous la rivière Kourou que nous ne sommes pas près d’oublier…















































Trop drôle tes commentaires sur notre petite escapade « d’accrobranche » !
C’était sportif, rigolo, beau, magnifique, bon, inimaginable, et inoubliable ♥️ Du moins un peu moins inimaginable car tu illustres bien !
Bisous d’amour
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Bisous mi Amor ! Merci pour ce gentil commentaire !
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Génial. Super ..
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😉😘
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Quelle Aventure , quel paysage, Quels souvenirs 😍
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Salut les cousins 😘
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Vertigineuse aventures, Fabrice mi-homme mi-….on ne sait pas trop quoi, en fait !
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N’ayons pas peur des mots !!!
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What a fabulous adventure! Our daughter Tammy and family have just done some ziplining in the Cloud Forests of Costa Rica. Tu illustres bien, Fabrice. Margaret
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What about the huge waves on the east coast ? Is that near you ?
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