Hé hé hé, salut à toutes et à tous ! A ceux qui pensaient m’avoir perdu, ou à ceux qui croyaient que mon retour en métropole signifierait la fin de ce blog, je viens, en ce jour mercredi 23 mars, soit plus de trois semaines après mon retour, vous rassurer (ah, ah !) et vous raconter la suite de ce fabuleux périple. Retour donc en arrière, de deux mois exactement, puisque nous étions au Camp Canopée les 24 et 25 janvier. Doux Jésus, comme le temps passe malgré tout…
Le Camp Canopée, vous l’aurez sans doute compris, c’est un camp à la cime des arbres. Une heure et demi pour aller à Kourou en voiture, et quelques kilomètres à l’ouest, au PK 21, le dégrad Saramaka. Comme pour le lac de Petit Saut, nous allons nous enfoncer dans la forêt via un fleuve, en l’occurrence le Kourou. De même que pour la précédente expédition, nous attendons bien sagement (à l’ombre), de voir se profiler une élégante fileuse au pied du débarcadère. Celle-ci ne se fera pas longtemps attendre, avec à son bord Silverado, un brésilien établi en Guyane depuis quelques années, et qui nous servira de guide pendant ces deux jours.
Nous embarquons sans plus tarder, seulement accompagnés par deux autres touristes, qui s’avèreront aussi discrets pendant ce séjour, que s’ils n’avaient pas été là. Bref, pour dire qu’une fois encore, nous avons beaucoup de chance de prendre place dans une pirogue qui pourrait contenir au moins vingt touristes ! Cela dit, cet énorme avantage aurait pu se transformer en déconfiture, car comme le propriétaire du camp l’avait exprimé quelques jours auparavant à Chrys : « en dessous de huit participants je perds de l’argent ! » Faut croire qu’il avait une âme de philanthrope puisque nous passerons le séjour à six touristes, ou alors qu’il aime bien la confiture…
Le fleuve Kourou est une petite merveille. A partir du dégrad, nous le remontons pendant presque deux heures (cette fois les gilets de sauvetage sous nos fesses), avec un plaisir immense. Beaucoup moins large que certains cours d’eau de Guyane (quelques dizaines de mètres seulement), il nous plonge directement dans son intimité, la forêt toute proche de chaque côté. Parfois, la pirogue doit ralentir afin d’éviter les arbres géants qui se sont affaissés de la rive et qui empiètent sur le passage. De même, à chaque fois que nous abordons une courbe, Silverado réduit les gaz afin que la longue embarcation reste bien alignée au milieu de la rivière (terme plus adapté et plus bucolique à mon goût). Ainsi, à chaque ralentissement dû à la faible largeur du Kourou, et à chaque fois que nous abordons un méandre, il nous semble être déjà arrivés à bon port. Il n’en est rien à notre grand plaisir, et nous pouvons alors continuer à savourer cette remontée vers la source de la rivière.
Certes nous n’irons pas en amont de ses 143 kilomètres, mais le sentiment est jubilatoire de pouvoir s’enfoncer aussi loin dans l’Amazonie. Une sorte de sensation étrange, sans inquiétude, de pouvoir profiter de l’instant présent, de mesurer la chance incroyable d’être là et de partager ça avec les miens…Nous scrutons bien sûr les bords de la rivière, le sommet des arbres, tentons de percer du regard la sombre forêt afin d’y débusquer un animal, ou un conquistador. Nous admirons l’eau brune du Kourou, le vert profond des rives toujours aussi impénétrables, les arbres géants et magnifiques comme le Wapa et ses très jolies gousses, pareilles à des quartiers de lune couleur sombre. Les guyanais l’appellent « l’arbre à cadeaux », tant il fait penser à un arbre de noël chargé de décoration. Cela dit, toute la rivière est un cadeau ! Les nuages qui jouent sans cesse avec le soleil, composent avec les couleurs du ciel, de l’eau et de la jungle, comme un peintre indécis ou joueur. Tous les éléments se reflètent dans l’eau, comme dans un kaléidoscope géant, et chaque seconde qui passe me fait aimer la Guyane toujours un peu plus...
Enfin, si je peux dire, nous arrivons au camp. Le long de la berge, une longue et belle pirogue en bois nous accueille. Si Silverado n’avait pas coupé les gaz et si ce n’était la présence de la pirogue en bois, il est fort possible que nous aurions occulté l’arrivée du camp, tant il se fond à merveille dans la forêt ! Nous découvrons une minuscule et discrète crique sur notre gauche alors que la fileuse ralentit et s’y engage. Quelques kayaks, le ponton, nous débarquons.
Nous pénétrons alors dans un immense carbet à haut plafond de bois tressé. Ouvert sur la rivière, il ne sert de toute évidence pas à la pose des hamacs, au vu des tables et des diverses bouteilles de rhum et jus de fruits qui nous tendent les bras ! C’est le coin apéro à n’en pas douter, où nous nous retrouverons dans quelques minutes, après la visite du camp et notre installation. Un plancher en bois à découvert (en fait, tout le camp est en bois), nous amène à quelques mètres jusqu’au coin repas, sans oublier la petite mare sur notre gauche, dans laquelle une femelle caïman aurait ses habitudes de villégiature. On monte quelques marches qui s’ouvrent sur le carbet restauration, suffisamment grand pour y accueillir les vingt touristes que nous ne verrons pas ! A droite c’est la cuisine, menée d’une main de maître par Rosalie, la brésilienne. Tout est ouvert sur la forêt, si ce n’est le plancher et le toit. Nous sommes totalement immergés dans le vert des arbres et au beau milieu des mares qui, quand le niveau de la rivière monte, transforme le camp en île.
Suivant encore le chemin de bois, nous arrivons au pied d’un escalier (je ne vous direz pas en quoi), qui monte à une dizaine de mètres de haut, au carbet dodo ! Trois espaces, délimités par des ponts suspendus, un pour nous quatre, un autre pour les deux fantômes, l’autre restera vide (sauf peut-être si le boa qui a fait son nid dans les feuilles du toit vient s’y loger…). La douche et les toilettes sont du même acabit, dans une petite cabane perchée sur un arbre. La vue y est dingue, tu fais tout à ciel ouvert, la tête dans les nuages, ou plutôt dans les arbres.
Nous installons les hamacs, le regard sur un océan vert. Plaisir d’enfant, retour à l’instinct primaire du contact avec la nature, nos chromosomes endormis de primate s’éveillent, comme si nous les avions laissés de côté la veille…L’apéro nous rappelle à nos us et coutumes anthropoïdes, saveurs diverses et variées de rhum de ci ou de rhum de ça, laissant couler dans nos veines la rivière juste à nos pieds. C’est beau à en pleurer.
Pendant le repas de midi (repas créole-brésilien à base de beignets, poulet, riz et haricots rouges), Silverado nous explique le programme pour ces deux jours : découverte de la forêt (rando et retour au camp en kayak), et le lendemain accès aux plateformes au dessus de la canopée, ponts suspendus et tyroliennes, ou l’inverse en fonction de la météo. La pluie venant surtout l’après midi, nous garderons le programme ainsi, l’activité tyrolienne nécessitant de préférence une météo plus clémente, donc le matin.
Nous voilà donc partis pour une marche de deux heures sur un layon (sentier), à travers la jungle. Ici, le mot guide prend tout son sens car au bout de quelques minutes seulement, à moins d’être un expert de l’orientation, n’importe qui se perdrait facilement. Silverado nous explique qu’il lui est arrivé de se perdre pendant plusieurs jours, au cours d’une chasse. Le plus dur évidemment c’est la nuit, à guetter le moindre bruit, le moindre mouvement suspect. Le sommeil est sporadique, surtout s’il se met à pleuvoir… La journée c’est plus facile : ce n’est pas l’eau qui manque pour s’abreuver; la chasse (fusil, arc, pièges) et la connaissance des arbres dont les fruits ou le cœur se mangent, permettent de se nourrir. Le but dans cette situation est de trouver une grosse rivière qui immanquablement vous ramènera à un village. Heureusement pour nous, ce layon il l’a pratiqué des dizaines de fois, car certaines expériences ne sont pas forcément à vivre, n’est ce pas…
Le terrain est humide, très humide. Nous essayons dans les premiers mètres d’éviter les flaques pour garder nos pieds au sec. Peine perdue car de toute façon il nous faut traverser de petits ruisseaux. De plus comme prévu, la pluie s’en mêle maintenant. J’ai eu la bonne idée de m’équiper d’un poncho en plastique imperméable. Bien que ridicule, je suis assez fier de montrer aux autres que je ne suis pas mouillé, tout au moins au début. Car après quelques minutes de marche, dans la chaleur moite de la forêt, mon équipement bleu azur se transforme en véritable sauna, ce qui me vaut les moqueries bien méritées des enfants !
Silverado a toujours vécu dans la forêt. Il nous explique toutes les plantes, les arbres et leur utilité. En fait, quasiment tout sert dans la forêt, que ce soit pour se nourrir, pour se soigner, pour se chauffer ou construire des pirogues ou autres carbets. Les lianes servent d’attaches, telle plante soigne la dysenterie, le mal de tête ou de gorge, telle autre les règles douloureuses, celle-ci le palu, et oui le palu ! Mais que font donc les laboratoires pharmaceutiques ? Pourquoi n’ont ils pas encore mis au point un vaccin pour éradiquer cette putain de maladie, qui tue encore de nos jours des milliers de personnes et notamment des enfants (merci aux anti-vax de faire le canard présentement) ? Ben la réponse est simple : Y a t’il le palu dans les pays occidentaux ? Non. Les pays « en voie de développement » sont ils solvables ? Non. Le palu est vieux comme le monde, la Covid a seulement deux ou trois ans, mais on a déjà un vaccin, que dis-je, des vaccins et mis au point en seulement un an. Bravo les labos, notre civilisation est sauvée ! Bon d’accord faut payer, mais on a rien sans rien, faudrait que ça rentre dans la tête des pauvres quand même, merde !
Morsure de serpent, de scorpion, tout y passe, certes avec l’appui dans les cas les plus graves d’un bon vieux expert en chamanisme. Même celle-là soignerait la Covid (ah là les gars, les labos sont déjà passés, merci). Et pour finir sur une note plus douce, cet arbre là, en lui faisant une entaille dans l’écorce, donne une pâte molle, de l’encens. Non seulement cela sent bon, ça tient les moustiques à l’écart, mais en plus il permet d’allumer aisément un feu, même sous la pluie ! Bref, nous passons deux heures dans une pharmacopée cent pour cent naturelle et largement plus belle à contempler que nos officines traditionnelles.
Mais ne lâchons pas notre guide des yeux, ce n’est pas le moment de se perdre…D’autant que si c’était le cas, je serais bien embarrassé vu que je ne me rappelle plus quel arbre soigne la morsure de serpent et lequel les règles douloureuses…
Nous ne sommes à l’évidence pas perdu, puisque nous rejoignons la grande rivière, le Kourou. De là, nous rentrons au camp en kayak et avec le courant, merci ! Le silence est total. Seul le léger bruit des pagaies trahie notre présence (j’ai enlevé mon poncho sauna, donc côté visibilité on est un peu plus discrets). La rivière nous emporte doucement, nous laissant le temps de nous émerveiller de sa beauté. Au loin, dans la forêt, nous apercevons un nuage de vapeur au dessus des arbres. C’est la terre qui respire. En cette fin d’après midi, elle expire la pluie tombée dans la journée. Nous assistons au cycle perpétuel de la vie, comme le dessin dans nos livres d’école, mais là c’est pour de vrai !
Un bonheur ne venant jamais seul (l’inverse est vrai aussi), voilà que notre présence sur la rivière a attiré des curieuses. Des loutres géantes nous suivent. D’abord timidement, cachées sous le feuillage des branches qui affleurent l’eau. Leurs jolies têtes fines et brunes ressemblent à des bouchons de canne à pêche quand on a une touche : elles sortent et rentrent dans l’eau très vite, en poussant un petit cri aigu. Puis elles s’enhardissent et nous suivent en bande, faisant avec nous un bout de rivière…
Retour au camp, douche dans les arbres, forêt sur 360 degrés. La tête dans les nuages, le cœur bat, apaisé…Discussions animées autour de l’apéro, la vie s’écoule aussi belle que la rivière. Le dîner nous enchante, alors qu’autour de nous règne l’obscurité mystérieuse de la nuit tombée. Nuit en hamac, dans le carbet arboricole. Je ne sais pas si j’ai passé la nuit à rêver, éveillé ou endormi…
(Attention, pour voir les photos en grand, conseillé, il faut cliquer sur la première et faire défiler. Malheureusement elles se regardent par série de 3 ou 4, je n’ai pas pu faire mieux ce coup-ci)























































Superbe, mais les bestioles et le (très, bien trop haut) degré d’humidité : pas pour moi ! Ceci dit pour les « ceusses » qui semblent y être comme des poissons dans l’eau c’est superbe. C’est en tout cas très sympa à lire et de voir des gens heureux !
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Quel plaisir de ton retour sur le blog ! Pour moi c’est encore plus beau et touchant, maintenant que les mois sont passés et que ça me rappelle de très bons souvenirs…. Quelle mémoire ! C’était génial. Souvenirs à vie. Je t’aime fort mon papa
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Au top le padre. C’est combien pour le livre entier ?
J’achète !!!
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