Les Pripris de Yiyi

Après avoir récupéré nos canoés chez un excellent loueur guyanais (matériel et explications nickels, c’est assez rare pour être souligné), nous filons au nord-ouest de la Guyane, entre les communes de Sinnamary et Iracoubo, au PK 125 exactement, ce qui signifie « point kilométrique 125 après Cayenne ». Ils sont matérialisés par des sortes de bornes avec un chiffre. La principale route de Guyane qui relie le nord au sud, longe le littoral sur tout son long. Elle peut être considérée comme la seule en bon état (les routes secondaires étant très souvent défoncées).
La RN1 part de Cayenne vers le nord jusqu’à Saint-Laurent du Maroni, tandis que la RN2 (toujours au départ de Cayenne) rejoint Saint-Georges de l’Oyapock au sud, à la frontière brésilienne. Les villages et encore moins les « villes » ne sont pas très nombreux sur les 450 kilomètres que comptent les deux RN réunies. Les PK sont donc nécessaires pour pouvoir repérer, entre deux villages, les points d’intérêts comme les dégrads, les carbets ou autres. Ici on ne peut pas dire « après le gros arbre tu tournes à gauche… ». Donc, au PK 125, nous repérons « la maison de la nature », d’où nous mettons les canoés à l’eau pour entamer notre ballade sur les Pripris de Yiyi.
Le terme pripri signifiant «marais» en Guyane (Yiyi est un nom de famille). Ce marais est un ensemble de petits lacs, reliés les uns aux autres par des « couloirs » parfois très étroits, formés par le moucou-moucou (plante des marécages aux grandes feuilles triangulaires qui pousse les pieds dans l’eau, et peut atteindre trois à quatre mètres de haut). Tout au bout, en suivant les balises posées sur les lacs (sinon tu te perds sans problème), on arrive à la crique Canceler, aménagée pour le pique-nique. La boucle aller-retour se fait tranquillement en trois heures, sans compter les pauses.
L’espace, au milieu de ces plantes lacustres est d’abord assez large, quelques mètres, ce qui permet de pouvoir pagayer sans difficulté, d’autant qu’un petit courant filant vers la crique nous porte gentiment. Nous arrivons vite au premier lac, dont la surface est recouverte d’un parterre de jolies plantes jaunes (Cacomba Aquatica), dans les racines desquelles nos pagaies s’emmêlent quelque peu. Quelques fleurs de lotus, aux larges feuilles rondes, mettent une délicate touche rose au tableau.
Puis, au bout du lac, nos canoés s’engagent dans un corridor de moucou-moucou, qui se resserre jusqu’à moins d’un mètre, nous obligeant à tenir les rames à la verticale. La sensation est étrange, à la fois excitante et légèrement oppressante d’être ainsi enveloppés par cette végétation. Pas d’horizon, juste ce mur de verdure que tu suis parce que tu n’as pas d’autre choix ! Tu frôles les plantes. Parfois tu plantes ton canoé au milieu des troncs étranglés, en pensant subitement qu’il pourrait bien te sortir un petit quelque chose de bestiole…
Encore un lac, encore un passage étroit au-dessus duquel les plantes se rejoignent maintenant, comme une sorte de tunnel. C’est magnifique ! En approche de la crique, nous faisons silence, laissant glisser les embarcations dans le courant. C’est à cet endroit que Chrys et Ju ont vu, lors d’une précédente sortie, les loutres géantes. Nous n’en verrons pas (du moins cette fois-ci), et passons tranquillement un minuscule rapide pour rejoindre la petite crique. Là, nous pique-niquons sur les rochers et repartons en sens inverse.
Afin de pouvoir remonter le petit rapide, nous sommes obligés de descendre des canoés et de les tirer au dessus des rochers plats, ce qui se fait sans encombre. Démian et moi remettons notre canoé à l’eau et nous installons pour le retour. Un petit moment d’inattention entraine notre embarcation en travers du petit rapide, nous obligeant à ramer avec force pour nous en éloigner, mais nous envoyant directement dans les arbustes de la rive opposée.
Alors que nous continuons à pagayer pour nous en dégager, je ressens tout à coup une piqûre violente au niveau de la hanche. Je pense aussitôt à une morsure de serpent et me frappe instinctivement à l’endroit de la douleur afin de l’éjecter. C’est alors que j’entrevois, avec soulagement dans un premier temps, qu’il ne s’agit « que » de guêpes. Je déchante aussitôt car nous nous trouvons bel et bien au milieu d’un essaim, défendant son territoire. A peine ai-je le temps de crier à Démian « c’est des guêpes, p….n ! », que je me fais encore piquer sur le ventre et sur le visage. Nous essayons de ramer comme des fous pour nous sortir de ce guêpier (!), quand Démian se fait attaquer à son tour. Une guerrière, certainement la plus vicieuse, vient de rentrer à l’intérieur de ses lunettes. Ni une ni deux, voilà mon fils qui plonge dans l’eau afin d’échapper aux dards cuisants, la pagaie virevoltant dans les airs !
Chrys et Juju de l’autre côté, ne peuvent que constater les dégâts, poussant fort cris et jurons, mais impuissants devant la perfide mais naturelle attaque. Tant bien que mal, j’arrive à m’extirper du piège et à amener le canoé dans un endroit sûr, pendant que Démian rejoint la rive, sans ses lunettes… Les piqûres font mal, surtout celle sur ma paupière, et celle sur le bras pour Démian (son réflexe de sauter à l’eau lui a permis d’éviter de se faire aiguillonner l’œil, réflexe conditionné par une peur quasi panique de ces insectes…).
Quelques minutes pour reprendre nos esprits et constater que rien ne s’aggrave, puis nous prenons le chemin du retour, évitant encore plus de nous frotter contre les plantes dans les passages étroits.
Fort heureusement la douleur passera vite, ne laissant sur mon visage qu’une vilaine boursoufflure qui au final nous fera bien rigoler, lorsque chacun racontera sa version de l’histoire, surtout celles de nos deux spectateurs. Démian gardera tout de même quelques jours, une petite grosseur sur le bras, signe d’une petite allergie.
Ce qui est sûr quand tu pars en Guyane, c’est que tu flippes sur pas mal de choses : les serpents, les araignées, les jaguars, les piranhas et autres aïmaras, les moustiques et les maladies qui s’y collent, les orpailleurs, les camés, etc. Et pour finir, tu te fais attaquer par quelques guêpes malencontreuses !
Comme quoi, la douleur vient toujours de là où on l’attend le moins…
Nous nous soignerons le soir même, avec p’tit punch et autres acras, mon visage défiguré faisant office de gai luron, fous rires garantis et photos à l’appui, surtout lorsque je propose que l’une d’elles soient ma photo de profil sur « Meetic »…

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6 réflexions sur “Les Pripris de Yiyi

  1. RIP les lunettes de soleil offertes à Démian pour noël. RIP l’entraide fils père lors de cette guerre avec les guêpes. RIP l’œil de mon gai luron préféré.
    Hâte de lire le prochain article qui risque de mettre 5 jours à sortir , quoi que… tu t’améliores ♥️

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  2. Je vois que les abeilles guyanaises ont le sens de l’accueil !!!
    Ici tout va bien, Adrien finit son BAFA demain (1ère partie), Pauline s’est fait une entorse au genoux et elle en a pour encore 2 semaines d’attelle.
    Tout va bien chez Sandrine et le temps passe vite pour elle car elle passe la majeure partie de la journée au boulot (rien à voir avec l’actualité du moment).
    Moi, je vais bien aussi, et en cette période de vacances scolaires, j’ai travaillé tous les jours depuis samedi pour faire un remplacement.
    Vivement dimanche midi que je sois en week-end !!!
    J’espère que vous allez tous bien, gros bisous, Laurent.

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    • Coucou, nous avons eu des nouvelles de Pauline et Sandrine en direct ! Juste pour info, tes commentaires peuvent être lus par l’ensemble des abonnés au blog (famille et amis). Moi ça ne me dérange pas, c’est juste pour info. Les commentaires sont en tout cas très appréciés. Bisous

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