Plage et marché

Mardi 22 février. Je reprends le cours du blog après un week-end passés sur le fleuve Maroni. Encore une belle expérience. Dans une semaine je serai rentré (Holy Return pray for me), et j’ai tout simplement un mois de retard dans le récit de nos aventures. Rien de grave bien sûr, je finirai en métropole. Ce sera quand même un peu plus dur pour moi de vous raconter alors que je ne serai plus sur place, disons que ce sera doublement nostalgique. Comme dit le poète « les souvenirs sont du vent, ils inventent les nuages ». Espérons que les miens ne soient pas trop lourds…

La plage des Salines :

Deuxième jour de repos en ce 21 janvier, après Petit Saut. Nous avons quand même avalé hier les quatre kilomètres du Rorota. Aujourd’hui nous ferons du plat : la plage des Salines et le marché de Cayenne, pour y déguster le fameux Phô, la délicieuse soupe vietnamienne.
La plage des Salines est encore une petite merveille, située à quelques minutes seulement de chez Chrys et Juju. C’est une belle et longue plage d’à peu près deux kilomètres, bordée de cocotiers et qui n’a rien à envier à ses cousines des caraïbes, si ce n’est pour les puristes car, comme je vous l’ai dit précédemment, la couleur de la mer est café ou chocolat au lait selon les jours. Ainsi, pas de touristes, enfin très peu.
Ceux qui sont là ne sont généralement pas venus spécialement pour le tourisme en Guyane. Soit ils y travaillent, soit ils visitent la famille ou les amis installés dans ce département méconnu. Très peu de gens dans l’eau, si ce n’est les kite surfeurs lorsque la brise le permet. Les baigneurs sont rares à faire trempette. Le fond de la mer boueux à cause des alluvions et l’absence de visibilité, ne serait-ce que pour voir le bout de ses pieds, freinent les ardeurs non seulement des métros (on peut le comprendre, du moins au début), mais aussi des locaux. Certains continuent à croire à certaines histoires sur la présence d’éventuels requins, ou plus probable sur la possibilité de mettre un pied sur le dard venimeux d’une raie. Bref, ce qui ne se voit pas fait peur, ce qui fait peur…on l’imagine…
Nous avons quand même vu en fin d’après-midi, un papa (un local), prendre un bain de boue avec ses deux jeunes enfants, à marée basse, façon cure thermale. Sympa. Quelques pêcheurs prennent possession des rochers pour installer leur canne, une poignée de promeneurs avec leur chien et puis basta. Mais où sont donc mes hordes de touristes, huilés jusqu’au fond des oreilles, leurs lunettes Gucci bien visibles sur leur nez ?
Dommage. Dommage pour la Guyane, son économie et ses habitants qui ne travaillent pas du tourisme. Certes, ils « profitent » néanmoins de la présence du centre spatial et de toute l’économie qui en résulte : les ingénieurs et tous les techniciens, mais aussi les militaires et les gendarmes qui en assurent la sécurité. Puis tous ceux qui ont choisi plus ou moins, de venir y travailler : médecins, cadres d’entreprises, enseignants, psychologues… Comme souvent dans les DOM TOM, le taux de chômage des locaux est important, et les aides de l’état sont parfois les seuls moyens de subsistances, sans parler des clandestins. Ceux-là vivent comme ils le peuvent, d’orpaillage illégal ou de vente de drogues, accentuant ainsi la violence locale. Il n’est pas rare dans les rues de Cayenne de croiser, voire de se faire aborder, par des camés au crack jusqu’à la moelle, quémandant « gentiment » dans un premier temps, puis plus férocement en cas de refus si l’aumône est refusée. Un jeune de vingt ans s’est fait flinguer hier soir, dans une rue pourrie de Cayenne…
Bon, c’est vrai que les initiatives locales et celles de l’état sont rares, si ce n’est pour garantir la notoriété du CSG (centre spatial guyanais), et pour continuer à extirper tant bien que mal, le métal précieux. Tout cela participe à un développement bancale de l’économie, tenue du bout des bras par les fameuses fusées Arianes, Soyous et Vegas (et oui, on fait partir des fusées russes de Kourou. Plus proche de l’équateur, ça coûte moins pour atteindre l’orbite). Si un jour le centre spatial venait à fermer, il est fort possible que la seule alternative serait la réouverture du bagne…
Il faut dire également que dans l’ensemble, il semble beaucoup plus facile d’attendre les aides de l’état que de se bouger les fesses (mis à part les asiatiques bien sûr, petites fourmis de la planète).
Organiser un séjour en carbet, pire une descente du Maroni ou tout simplement un vol en parapente, peut se révéler être un véritable parcours du combattant. Chrys a une chevelure belle et bien fournie, heureusement, car à chaque fois c’est l’attente pour un prix, une confirmation, une annulation ou carrément pour une réponse qui ne viendra pas ! C’est même à toi de trouver d’autres personnes pour faire des excursions, lorsqu’un nombre minimum de touristes est requis et que le prestataire n’en trouve pas. Ou alors, les week-ends c’est archi plein. C’est tout ou rien. On dirait qu’ils ne sont pas vendeurs. Leur publicité si elle existe, est mauvaise, mal faite… Donc ma chérie, un grand bravo et un grand merci pour ton organisation, je te nomme Ministre de notre bon temps !
L’économie touristique n’existe qu’à l’état embryonnaire, mal organisée, bordélique pour tout dire. C’est vrai que tout est cher, très cher ici. Pour la nourriture, tu dois multiplier par trois ton panier de métropole.
Quasi tout est importé de France ou de l’étranger, rendant encore plus difficile le développement de la Guyane. On pourrait penser qu’il n’y a qu’à se pencher ou à lever les bras pour ramasser ou cueillir fruits et légumes en abondance. Même pas. Mis à part quand c’est la saison des mangues, les fruits et légumes sont rares et extrêmement chers. Pour en trouver à moins de quatre euros le kilo, faut se lever tôt, et c’est le prix minimum (16.50 € la barquette de 500 gr de champignons de Paris) !
Les variations météorologiques dues ici aussi au changement climatique (années de sécheresse suivies d’années à très forte pluviométrie), le peu de débouchés des producteurs qui n’ont guère que les marchés ou les supermarchés locaux pour écouler leur stock, l’offre plus importante que la demande à cause de la pression démographique explique le phénomène. Autre facteur et pas des moindre, les salaires en Guyane, qui font partis des plus hauts de France pour les professions intermédiaires et les cadres notamment. Ici en effet, les salaires sont 20 à 30 % plus élevés, afin de compenser le coût de la vie. Et les prix sont fixés en fonction de ces revenus-là (c’est pas moi qui le dit c’est l’INSEE). Sauf que les salaires sont très disparates et que la grande masse des (vrais) guyanais est perdante…
Il y aurait tellement à faire pourtant, en développant l’écotourisme par exemple. Malheureusement, la Guyane souffre d’une mauvaise image : « l’enfer vert », le bagne, les bestioles, la violence, la mer chocolat…
Dommage donc, mais tant mieux pour moi et mon petit bien-être égoïste de touriste de passage. Car en attendant un hypothétique développement touristique, ce qui aurait forcément des conséquences néfastes pour la nature, la plage des Salines reste authentique et c’est tant mieux. Pas de chaises longues alignées au cordeau, ni de bars de plage crachant à tue tête des musiques latino-antillaises, arrangées RnB style vin nouveau. Quelques déchets à droite ou à gauche, rien de bien grave.
L’idéal pour s’y promener, c’est la fin d’après-midi. D’abord parce que le soleil cogne moins, mais surtout parce que les couleurs y sont plus belles (ceci explique cela). On arrive d’abord sur la plage après avoir traversé un tapis vert d’Ipomées rampantes posées à même le sable, aux jolies fleurs bleu-violet. Puis vient le brun orangé du sable sur lequel le blanc de l’écume dessine de délicates arabesques, alors que le vert des cocotiers se détache sur le bleu-gris des lourds nuages, qui ont un peu de mal à se refléter dans le marron clair de la mer. A l’horizon, le sombre des trois îlets se détache gracieusement.
Le tableau est magnifique, apaisant, hypnotique…Mais la beauté du coin ne s’arrête pas là ! Parallèlement à la plage, un sentier découverte a été aménagé par le conservatoire du littoral. Une passerelle en bois permet de s’enfoncer dans la mangrove au milieu de palétuviers géants ! Mamma mia, ma che è una bella cosa! Deux heures de ballade pour s’ouvrir l’appétit et prendre la direction du marché de Cayenne. Le but ce jour-là n’est pas d’y faire nos emplettes mais de s’offrir un Phô (prononcer pheu), la délicieuse soupe vietnamienne.
Tandis que le marché de fruits et légumes, poissons et autres se tient à l’extérieur, nous rentrons sous une sorte de halle dans laquelle nous retrouvons les marchants de souvenirs au centre, et tout autour les petits stands de nourritures diverses et variées : créole, brésilienne, surinamaise et vietnamienne. Il est midi l’activité bat son plein, et c’est dans un joyeux brouhaha que nous nous dirigeons, sans hésiter, vers celui qui a toutes nos faveurs. Là, une dame que l’on suppose brésilienne et qui travaille pour le couple de vietnamien (je me demande bien combien elle doit être payée…), nous installe à une table encore libre. Nous passons commande donc de Phô (une grande pour moi svp), de nems, samossas, et jus de fruits frais (maracuja, ibiscus, cupuaçu au goût de melon blanc). Malgré le nombre de clients, nous sommes servis en moins de dix minutes alors qu’ils ne sont que deux en cuisine, le mari et la femme. La preuve que la restauration rapide et excellente, ça existe !
La chaleur extérieure n’est pas énorme, mais après quelques minutes de dégustation, je commence à sentir les gouttes de sueur perler dans mon dos et sur mon front, à moins que ce ne soient les petits bouts de piments que je viens de rajouter à ma soupe (ça fait du bien de se sentir à sa place des fois)…

Publicité

3 réflexions sur “Plage et marché

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s