Petite note à mes lecteurs : il semblerait que des problèmes persistent dans l’envoi des articles. N’ayant que peu de retour par commentaire ou par mail, je ne sais pas qui les reçoit. Je ne vous demande pas bien sûr, de me dire si vous les lisez et encore moins si vous les appréciez (il n’y aura pas d’interro surprise quand je rentrerai et je comprends que leurs longueurs puissent rebuter, même les plus fidèles), mais simplement de m’en confirmer la bonne réception. Pour ce qui est de la longueur des textes, je ne changerai rien, ayant la prétention et le doux espoir que mes petits enfants un jour, aimeront lire les aventures de leurs parents, en compagnie de leur papi…
Le Saut Lucifer
Nuit courte, comme souvent en carbet. Le jour se lève tôt, entre cinq et six heures. Je suis allé aux toilettes cette nuit, même pas peur, ma lampe frontale tout de même braquée sur le sol humide…
Pas de coq à étriller mais des singes hurleurs, peut-être pas très nombreux, un groupe d’une dizaine d’individus tout au plus. Mais quel boucan ! Ils ne sont pas faciles à apercevoir, nichés à la pointe des grands arbres et assez méfiants de l’homme. Leur cri, qui peut se faire entendre jusqu’à cinq kilomètres à la ronde, permet de communiquer entre les différents groupes présents dans une même région. Ils ne sont pas très grands ni très lourds, une dizaine de kilos, mais leur système de vocalise hyper dimensionné leur offre une caisse de résonance énorme, comparé à leur petite taille. Leur cri est le plus bruyant de tous les mammifères du monde.
Il y en a toujours un qui se réveille avant les autres à l’aube, et qui commence ses vocalises, d’abord doucement, comme une douce mélopée. Puis petit à petit la troupe entière s’anime, et entame alors un concert qui va aller crescendo jusqu’à l’apothéose finale, comme un réquiem, une sorte de longue lamentation faisant écho dans toute la forêt. A vol d’oiseau ils ne sont pas loin, cent ou deux cent mètres peut-être, mais j’ai l’impression qu’ils sont juste là, à côté du carbet. C’est sans pareil comme réveil matin, tu te sens à la fois immergé dans la nature et tellement petit ! Comme dirait mon ami Jean-Paul : « Cinq heures du mat, c’est la bonne heure pour méditer… ».
Les conquistadors ont été les premiers occidentaux à entendre ce bruit. Ils pensaient que c’était le Diable qui leur ouvrait les portes de l’enfer… Écoutez plutôt :
https://www.youtube.com/watch?v=Uw5DLOGQ4uQ

Il est sept heures. Ma troupe commence à s’animer elle aussi, les yeux tout engourdis de sommeil à la descente du hamac. Nos hôtes sont déjà à pied d’œuvre. Pendant que Mado nous prépare le petit déjeuner, Marius s’active au barbecue (ancien petit cumulus de chauffe-eau), un beau filet d’Aïmara en train de boucaner sur la grille. Nous nous en régalerons ce midi, accompagné de couac (semoule de manioc) mélangé à des éclats de coco (le couaco quoi !), sans oublier quelques acras et brochettes de ribs de porc à l’apéro (p’tit punch ou planteur), le tout placé en glacière et embarqué dans la pirogue. Au programme du jour : remontée du lac jusqu’au Saut Lucifer, bivouac sur une plage proche des rapides et pêche à l’Aïmara !
Il est dix heures et nous voilà partis. Le ciel est bleu, nous avons encore beaucoup de chance, les quelques nuages blancs ne sont pas menaçants ! Heureusement du reste que nous filons bon train, car le soleil commence à mordre. Une heure de traversée encore sur ce lac envoûtant, pour rejoindre le Saut Lucifer. Celui-ci marque l’entrée dans le lac de la rivière Koursibo (c’est joli non ?), l’une des quelques rivières, en plus du fleuve Sinnamary, qui l’alimentent. Il semble d’ailleurs qu’il se resserre maintenant, comme si nous remontions une rivière, les clapotis sous la barque témoignant d’un courant contre. Ainsi, après un dernier virage, nous apercevons le rapide à quelques encâblures. Sa dénomination laissait à penser à quelque chose de plus impressionnant, quoique, en y regardant de plus près depuis la plage où nous débarquons, je me dis que je ne m’y risquerais pas en kayac. Le bruit sourd de l’eau frappant les rochers au loin, confirme ma sage pensée…
Alors que certains se jettent à l’eau pour se rafraichir, que d’autres s’essayent à la pêche depuis la pirogue, que Démian en profite pour une séance photo hors des sentiers battus pour sa société de parasols « Eclipse » et que Juju lâche son drone au dessus de la plage et des rapides, Marius a déjà installé l’apéro. Derrière la jolie plage de sable blanc (!), à l’ombre des grands arbres, il a mis le filet d’Aïmara à réchauffer au dessus d’un petit feu…
Après ce petit barbeuc à l’amazonienne, nous reprenons la pirogue pour nous rapprocher des rapides et accoster sur l’autre rive. Nous amarrons l’embarcation fermement et partons à la découverte du Saut Lucifer, sautant de rocher en rocher, pour nous retrouver juste au bord. Le bruit est assourdissant. Assis à contempler cette petite merveille, je repense au livre que je suis en train de lire : « Aventures en Guyane » de Raymond Maufrais, jeune explorateur français disparu en 1950. Son expédition lui fait remonter la Mana, l’une des plus longues rivières de Guyane, à bord d’une fileuse. Je l’imagine alors passer les quatre vingt dix neuf sauts qui jalonnent son cours, il n’en reviendra jamais…
Nous en profitons également pour admirer des polissoirs amérindiens en fuseaux, taillés dans la roche, probablement utilisés pour façonner et affuter des lames. Un petit layon (sentier) s’enfonce dans la forêt, nous l’empruntons munis de nos cannes pour rejoindre le coin de pêche. Il s’agit alors de sauter quelques rochers au dessus d’un petit rapide adjacent, et de lancer nos lignes dans les tourbillons bruyants. De tous les pêcheurs ici présents, je dois avouer que je suis le plus pauvre devant l’Éternel. J’ai cru capturer une bonne prise, mais ce n’était que pure illusion. Quand ma ligne s’est tendue, j’ai cru bon de ferrer fort, histoire d’attirer l’attention. Grave erreur de débutant, je n’ai fait que coincer le gros hameçon sous le rocher, impossible de revenir en arrière…On ne joue pas avec la pêche Monsieur, vous avez perdu… Les vrais pêcheurs, ceux qui ne font jamais d’erreur, trouveront cette maladresse impardonnable, en trouveront même l’excuse pour vous exclure de leur confrérie. J’espère que les autres m’accorderont un peu de leur tendresse…
Chrys a bien failli la pauvrette, en sortir un des remous. Elle l’a bien ferré pourtant et on a pu apercevoir l’Aïmara au bout de sa ligne. Il était beau aussi ! Mais comme Juju la veille, la bête en cognant contre le rocher s’est décrochée… Ma chérie, tu auras encore certainement l’occasion de tenter ta chance une autre fois, et ça, ce n’est pas donné à tout le monde.
Nous ne pêcherons rien ce jour-là, mais qu’importe. Nous venons de passer encore une journée inoubliable. Retour au carbet, douche, jeux de cartes, apéro et repas (blaff de poissons et autres gourmandises) toujours en compagnie de notre charmant couple guyanais. Marius en profite pour nous délecter de ses histoires dans la jungle. Quand Chrys lui demande s’il a déjà vu des jaguars, il répond nonchalamment en avoir vu à de nombreuses reprises. Il en a même tué un qui avait attaqué son chien. Le jaguar le tenait dans sa gueule, par derrière, au niveau du cou. Heureusement pour le cabot, les dents du vieux félin étaient probablement usées jusqu’à la couenne, lui infligeant « seulement » de profondes coupures. Avec des dents acérées, le fauve lui aurait tranché la carotide d’un seul coup de mâchoire !
Cela dit, le gros chat ne lâchait pas le petit chien et Marius lui a tiré un coup de fusil derrière la tête…
– Et alors ? demande Chrys,
– Et alors quoi ? répond Marius,
– Qu’as-tu fait du jaguar ?
– Ben, je l’ai mangé, que veux-tu que j’en fasse ?
(cliquez sur les photos)
































Fabrice, what a fabulous journey and your storytelling skills are impressive. You should be sending this to a travel magazine and making a book for your future grandchildren.
Margaret
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Thank you very much Margaret, it’s already a lot for me that my articles please my friends, as to offer this to a magazine is another story…
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Coucou Fabrice.
J’ai découvert ton journal en cours de route (Thierry m’a fait suivre le lien) et c’est un plaisir de te lire, je ne connaissais pas tes talents de conteur ! Profite bien de tes enfants et des lieux. Bises.
Régine.
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Merci Régine 😉
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belle aventure , nous on suit les épisodes kiss
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Cool 👍😉😘
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Coucou, pour moi, pas de problème, je reçois à chaque fois commentaires et photos. Ici tout va bien, et Sandrine devrait, si ce n’est déjà fait, t’appeler très prochainement. Nous sommes dimanche après-midi, et ça y est, je sui en week-end. Je vois avec grand bonheur que tu en profits à fond et cela me fait très plaisir.
Je te fais de gros bisous ainsi qu’aux enfants. Laurent.
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Ah, tant mieux si tu reçois. Embrasse les enfants de ma part, je ne crois pas qu’ils soient abonnés au site. Bises
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En résumé, voici les aventures de l’homme qui a vu un homme qui a mangé le jaguar qui voulait manger son chien.
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et qui a mangé le jaguar !
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bon c’est déjà dit, ch’ui pas bien réveillé…
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La pêche inoubliable en excellente compagnie 😘
Super article et merci pour la pub, gros bisous
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Loving your posts Fabrice. Keep on writing. What an adventure. By the way we have kookaburras here for our morning reveille!
Kind regards Mike and Margaret
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This bird’s song is beautiful. It looks like he’s laughing 😉
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